En Tunisie, la répression ne s’arrête pas aux frontières des discours politiques ou à la crise migratoire. Ces dernières semaines, le régime de Kaïs Saïed a tourné son attention vers les créateurs de contenus sur TikTok et Instagram, entraînant une vague d’arrestations et de condamnations.
Un climat de répression grandissant
Depuis la réélection du président Kaïs Saïed avec 90,7 % des voix, la liberté d’expression semble de plus en plus menacée. Le 27 octobre, un communiqué du ministère de la Justice a marqué un tournant dans le contrôle des réseaux sociaux. Les autorités invoquent des atteintes aux bonnes mœurs pour justifier les arrestations de nombreux influenceurs, créant un climat de peur et d’incertitude dans le milieu.
Wassim El Pocho (pseudonyme), créateur de contenus sur Instagram et TikTok, dénonce une véritable « police des mœurs » numérique :
« On n’a jamais vu ça, ils surveillent nos vidéos, nos tenues, nos propos, tout ! »
Condamnations multiples : une offensive ciblée
Au moins sept influenceurs ont été condamnés ces dernières semaines à des peines de prison. Les accusations portent souvent sur des publications jugées contraires à la morale publique. Parmi les infractions évoquées :
- La promotion supposée d’un mode de vie perçu comme immoralisant.
- La diffusion de contenus considérés comme offensants pour les valeurs tunisiennes.
Pour les créateurs de contenus, ces accusations sont floues et servent avant tout à museler une génération qui utilise les réseaux sociaux pour s’exprimer librement.
Retour à une surveillance des mœurs ?
Cette répression s’inscrit dans un contexte où les droits fondamentaux, y compris la liberté d’expression, sont de plus en plus menacés. La montée en puissance de Kaïs Saïed depuis 2021 a vu un recul des acquis démocratiques obtenus après la Révolution tunisienne de 2011.
Selon des défenseurs des droits humains, cette nouvelle vague d’arrestations reflète une stratégie de contrôle renforcé :
- Dissuader toute critique du régime.
- Restreindre l’influence de la jeunesse et des créateurs numériques, qui atteignent des millions de followers.
Pour Amnesty International, ces mesures constituent une violation flagrante des droits à la liberté d’expression et de création.
Une jeunesse révoltée mais sous pression
Les influenceurs tunisiens, habitués à partager du contenu léger et divertissant, se retrouvent aujourd’hui au centre d’un affrontement politique. Beaucoup craignent désormais de publier des vidéos, conscientes que le moindre écart pourrait entraîner des conséquences graves.
Cependant, certains refusent de céder. Wassim El Pocho affirme :
« Nous sommes la voix d’une génération qui ne veut pas être muselée. S’ils pensent nous faire taire, ils se trompent. »
Une lutte pour la liberté d’expression
Ce tournant autoritaire en Tunisie montre comment un régime peut détourner les notions de moralité et de justice pour consolider son pouvoir. Les créateurs de contenu, qui représentent une forme d’expression moderne et populaire, sont devenus une cible facile dans cette campagne.
La communauté internationale et les organisations de défense des droits humains appellent à la fin de ces poursuites arbitraires. Pour eux, protéger les influenceurs, c’est protéger la liberté d’expression dans une société où le numérique est devenu un espace essentiel de débat et de création.
Un avenir incertain pour les influenceurs
En Tunisie, les réseaux sociaux ont longtemps été un refuge pour les jeunes cherchant à s’exprimer librement dans un contexte sociopolitique tendu. Mais avec la montée de la répression, leur avenir semble de plus en plus compromis.
La lutte pour les droits numériques et la liberté d’expression continue, incarnée par des voix courageuses qui refusent de se laisser réduire au silence.